Aujourd'hui, on peut parler d'un "État galicien" en évoquant le Couto Mixto car, il y a seulement 200 ans, il n'appartenait pas à la Galice. Il n’appartenait pas ni à l’Espagne ni au Portugal. C'était, tout simplement, un État indépendant des deux, avec un peu de chacun dans son caractère.
De nombreuses questions en découlent. La première est peut-être liée à la difficulté de traiter avec deux gouvernements proches l'un de l'autre. Des entités puissantes qui ont permis à cet État indépendant d'exister. À l'époque des conquêtes, ils ont permis à cette petite région d'exister en dehors de leurs frontières. C'est curieux. Toutes les autres questions tournent autour de cette liberté. Entre la curiosité de connaître le mode de vie de ses habitants et de découvrir ses privilèges. Après tout, ils n'avaient de comptes à rendre à personne.
La dernière question porterait sur sa disparition, bien sûr. Elle est arrivée aussi naturellement que sa naissance. Il n'y a eu pas de guerres, seulement des décisions. Cette histoire singulière suit précisément le cours de l'histoire, il s'agit donc d'une histoire à explorer.
Ses origines remontent à la création du royaume du Portugal au milieu du XIIe siècle. Après le traité de Zamora, l'indépendance du Portugal est devenue une réalité, ce qui a entraîné la nécessité de définir les frontières entre ce qui devait être un nouveau royaume et celui de León. Ces frontières ont été établies de façon quelque peu aléatoire. La Raya, comme on appelait la ligne invisible entre les deux états, avait ses défauts et ses troubles de la personnalité. Certains endroits ont mis du temps à découvrir s'ils devaient se sentir portugais, léonais ou un mélange des deux.
Sauf pour Couto Mixto. Dans ce contexte d'égarement, trois villages ont profité de ne pas savoir s'ils étaient espagnols ou portugais pour être autre chose. C'est-à-dire un lieu mixte. Rubiás, Santiago de Rubiás et Meaus se sont entendus dès le début et ont formé ce qui est connu depuis des siècles sous le nom de Couto Mixto.
Elle est considérée comme l'une des premières républiques d'Europe, malgré sa petite taille. Quelque 2 700 hectares pour abriter, au mieux, un millier d'habitants. C'est probablement cette taille minuscule qui lui a permis d'exister en dehors des souhaits des royaumes d'Espagne et du Portugal. Étant si petit, il ne pouvait faire de mal à personne, ni accumuler trop de puissance. C'est pourquoi les yeux des deux empires ne se sont jamais posés résolument sur ce territoire.
Couto Mixto a vécu selon ses propres règles, profitant des limbes qu'il habitait, jusqu'au XIXe siècle. En 1864, avec la signature du traité de Lisbonne, les frontières entre l'Espagne et le Portugal ont été bien définies. Il n'y avait plus moyen d'ignorer cette région. Il a alors été décidé qu'elle ferait partie de l'Espagne. Ainsi prit fin une indépendance qui avait duré plus de 700 ans.
Bien que cela ressemble au Seigneur des Anneaux, l'Arche des Trois Clés n'a rien de fantastique. En effet, on peut encore la visiter dans la sacristie de l'église de Santiago de Rubiás, qui appartient aujourd'hui à la municipalité de Calvos de Randín, comme Rubiás elle-même. Meaus, le troisième village de l’histoire, fait partie de la municipalité de Baltar. Trois villages avec trois clés pour les gouverner tous.
En fait, la démocratie a été utilisée à Couto Mixto dès le début, alors qu'elle était plus une exception qu'une chose normalisée. Les trois villages choisissaient un chef politique, un juge, en tant que plus haut représentant des citoyens. Il gouvernait la région pendant trois ans, puis de nouvelles élections avaient lieu. Le parlement était l'église de Santiago, qui abrite aujourd'hui l’Arche.
Sous le juge se trouvaient trois hommes d'accord. Un pour chaque village, leur tâche consistait à superviser et à administrer le fonctionnement de chaque petit village, toujours sous les directives du juge. De temps en temps, ils signaient des accords de coexistence qui étaient conservés dans cette Arche des Trois Clés. Tout cela était très convivial et, étant donné la durée de survie de ce micro-état, très efficace.
Couto Mixto était un territoire qui suivait ses propres règles, profitant parfois de l'absence d'une autorité légale sur ses actions. Les locaux bénéficiaient d'un certain nombre de privilèges d'une réelle importance, comme l'absence de service militaire. Ils n'étaient pas non plus obligés de payer des impôts.
Une route commerciale a également vu le jour, reliant les trois villages à Tourém au Portugal. Cette route prenait tous les privilèges de Couto Mixto, c'est pourquoi elle est encore connue aujourd'hui comme la Voie Privilégiée. Pas de taxes, pas de règles. Le libre-échange.
Ce n'est que lorsqu'il s'agissait de crimes majeurs que les choses devenaient sérieuses. Les meurtres, bien que rares, devaient être portés à l'attention des autorités nationales. Bien sûr, ce sont les habitants eux-mêmes qui, à l'époque, décidaient de la justice à rendre. Ils étaient espagnols ou portugais à volonté. C'est ainsi que la vie a été vécue à Couto Mixto pendant sept cents ans.
Par-dessus tout, le souvenir demeure. L'Association des Amis de Couto Mixto s'efforce de préserver et de récupérer autant que possible cette histoire singulière qui parle d'un territoire unique. Chaque année, dans cette église de Santiago, qui était également un lieu de rencontre politique et social, un événement est organisé pour commémorer un mode de vie aussi unique que particulier. En fait, c'était tout à fait naturel, comme sa naissance et sa disparition.
Les représentants honoraires sont toujours élus, sans pouvoir réel mais avec beaucoup de poids symbolique. Toujours à Santiago de Rubiás, une sculpture représentant le dernier juge du Couto Mixto attend le voyageur avec des histoires à raconter. Il s'appelait Delfín Modesto Brandén. Certains voisins peuvent encore indiquer cette voie privilégiée qui les relie au Portugal, mais ce n'est qu'un souvenir de leurs ancêtres. Heureusement, comme cela arrive en tant d'autres occasions, la mémoire permet cet endroit d’exister toujours.