La Légende du txori de Puente La Reina.

À Puente la Reina. village de Navarre les deux principales voies du Chemin de Saint Jacques de Compostelle s’unissent: celle qui vient de Roncevaux (Navarre) et celle qui provient du col du Somport (Huesca).

Le village doit son nom à son pont stratégique,absolument indispensable pour traverser les eaux tumultueuses de l’Arga. Construit au XIe siècle, le passage de ce pont obligeait à payer un «pontage». Vue son importance, à l’origine il était défendu par trois tours (une de chaque côté et la troisième au milieu) pour éviter le passage de bandits ou d’armées ennemies. Dans la tour du milieu, on installa une statue renaissance de la Vierge du Puy, patronne de la cité.

Puente la Reina

À partir de l’année 1824, les chroniqueurs du village documentent les visites périodiques d’un txori(petit oiseau en basque) qui venait virevolter tout autour de la statue. Au grand étonnement des villageois qui le virent nettoyer à coups d’ailes les toiles d’araignées, et même ils remarquèrent qu’il passait par la rivière pour mouiller son bec et laver soigneusement le visage de la vierge. Presque tous, pensèrent qu’ils voyaient  là un miracle.

Les visites du txori ou “choris”,durèrent bien plus d’années que le cycle vital d’un oiseau, devenant ainsi une tradition annuelle. Ces évolutions du txori en vinrent à être tout un évènement pour tout le village qui célébrait l’arrivée du txori à volées de cloches et même avec un acte religieux ou encore lancement de fusées. Ni tout le bruit ni la présence de la foule en liesse ne troublaient le txori qui réalisait ses tâches de nettoyage sans se préoccuper du reste.

Lors de l’hiver 1834, un détachementde troupes royalescommandées par le Brigadier Cristobal Manuel de Villena, VI comte de Via Manuel, avait été envoyé en garnison à Puente la Reina pour défendre le village d’une possible attaque carliste de l’armée du général Zumalacarregui. L’arrivée du printemps et du txoriavec ses vols autour de la vierge affecta comme toujours la nervosité des habitants (d’autant plus qu’ils étaient en grande majorité en faveur des carlistes).

Escudo del VI conde de Vía Mannuel

Tant d’agitation attaquèrent les nerfs des troupes  du gouvernement, conscientes déjà d’être dans une localité hostile. Ils furent alors mis au courant de l’histoire du txori.Le jeune comte (24 ans) déclara publiquementque ces interprétationspecquenaudes n’étaient que superstition s’affrontant aigrement avec la quasi-totalité de la population du village. Pour faire partir l’oiseau, Cristobal Manuel de Villena en vint même à faire tirer les canons à côté du pont. Cette attaque à une croyance si ancrée dans la population provoque des troubles que le comte de Via Manuel suffoque en emprisonnant un certain nombre de notables.

General Zumalacárregui

Deux semaines après cet incident, lem19 aout, eut lieu la dénommée  Action de las Peñas de San Fausto, au cours de la quelle les troupes de Zumalacarregui battirent les libéraux du Baron de Carondelet. Lorsque celui-ci fut sur le point d’être capturé, son subordonné Cristobal Manuel de Villena se sacrifiant pour protéger sa fuite. Il fut capturé par les carlistes et mené à  une prison dans le village de Aranaz. Les hauts grades de l’armée reconnaissant son geste de courage envoyèrent à Don Carlos de Bourbon une proposition d’échange. Mais vue l’exécution récente d’un colonel carliste, zumalacarregui ordonna qu’il soit fusillé le 26 Aout de 1834.

Don Carlos de Borbón

Lorsque les habitants de Puente La Reina connurent la nouvelle, ils la prirent comme un châtiment divin pour s’être moquédu txori et d’avoir voulu le chasser. Ce qui en renforça encore plus la notoriété et la légende d’être d’origine divine.

Une fois la guerre finie, le txori continua ses visites qui sont documentées entre 1840 et 1843. Cette année là, les autorités dugouvernement libéral décidèrent de démolir la tour centrale du pont ou se trouvait la statue de la vierge. Telle décision fut-elle motivée par la réputation du petit oiseau? Est-ce que ce fut en représailles pour la mort de Cristobal de Villena? La statue fut transportée en grandes pompes à la paroisse de San Pedro où elle occupe sa place au sein du retable. Mais dès lors sans les visites du txori.Diriez-vous que c’était là la légende du txori. La considérez-vous comme une imagination des villageois?

La Virgen del txori

Texte d’Ignacio Suárez-Zuloaga et illustrations de Ximena Maier, traduction de Danielle Khoyan Tondu


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