Au cœur de la vallée de Lullén et des montagnes de la Serra Calderona, la chartreuse de Porta Coeli est un lieu magnifique et historique. Elle est aussi, d'une certaine manière, mystérieuse. Un monument entouré d’une enceinte millénaire qui éveille immédiatement la curiosité du voyageur. Un lieu marqué aussi par la tragédie de la Guerre civile espagnole et de ses conséquences. Avec tout cela, on peut comprendre l'intérêt que cet endroit a toujours suscité.
La routine des habitants des monastères chartreux, en général, est dictée par la devise "une vie de prière". Ils sont une "famille de moines contemplatifs qui, dans le monde actuel, essaient de vivre une expérience intense avec le Dieu révélé par Jésus-Christ". C'est ainsi qu'ils se définissent sur le site officiel de la chartreuse de Porta Coeli.
Cet ordre n'est pas vraiment né comme un ordre mais comme une communauté. Il trouve ses origines au XIe siècle dans les enseignements de Saint Bruno. Cet homme profondément religieux a demandé à l'évêque de la ville française de Grenoble, avec six compagnons, un endroit où pouvoir mener une vie d'ermite. C'est ainsi qu'est né le premier des monastères chartreux. Dans une vallée isolée des Alpes françaises où ils pouvaient mener cette vie dédiée à la prière et à la figure de Dieu.
La structure des monastères chartreux correspond aux principes sur lesquels l'ordre a été conçu. C'est-à-dire la solitude et le silence, mais sans abandonner la communauté. Pour cette raison, l'espace est organisé, en plus des zones communes, en petites maisons indépendantes réparties entre tous les moines. Chacune contient un espace de prière et une chambre où ils passent la plupart de leur temps, avec une chambre à coucher et une salle d'étude et de lecture.
La chartreuse de Porta Coeli a été construite selon ce plan, sur les vestiges d'un ancien établissement andalou, en 1272. Bien qu'elle ait été construite à l'origine dans le style gothique, avec le passage des siècles et les différents styles architecturaux, le monument possède aussi des caractéristiques Renaissance et baroques. Le complexe est divisé en deux parties, structurées autour de deux cloîtres.
On accède à la chartreuse par un beau pont construit au début du XIXe siècle. Dans la partie inférieure du monastère on trouve les vergers et la cour. Elle dispose également d'une forge et même d'une cave à vin. Elle ressemble presque à une ville. Une ville dans laquelle règne le silence.
Avec une histoire presque millénaire, il est compréhensible que la chartreuse de Porta Coeli ait traversé des moments difficiles au cours des siècles, mais aucun plus sombre que la tragédie arrivée en 1939. Alors que la guerre civile espagnole venait de s'achever, un terrain ayant appartenu à la chartreuse a été cédé au gouvernement de Franco pour servir de camp de concentration. Des milliers de prisonniers républicains, certains historiens avancent le chiffre de 10 000 victimes, étaient détenus ici. On estime que plus de 2 238 personnes, selon le registre civil de Serra, où se trouve le monastère, ont été fusillées entre 1939 et 1956.
Francisco Fuster Serra explique dans son livre Cartuja de Portacoeli : historia, vida, arquitectura y arte (Chartreuse de Portacoeli : histoire, vie, architecture et art) que les militaires franquistes ont ensuite aidé à reconstruire et à améliorer le monastère. En 2006, il a été déclaré Bien d'intérêt culturel avec la catégorie de Monument.
Bien qu'il soit tentant de le visiter, pour la beauté de ses formes et l'histoire qui l'accompagne, on ne peut le contempler que dès l’extérieur. "Respectez la solitude de la Chartreuse, merci", peut-on lire sur un panneau à l'entrée. Ainsi soit-il.