Le Chemin de Compostelle est la cause d'un très grand nombre de monuments en Galice. De plus, aujourd'hui, un certain nombre d’entre eux qui ne seraient actuellement connus que de quelques-uns sont à la vue de tous. Un bon exemple en est l'église de San Xoán de Portomarín, ou San Nicolás. C'est un temple qui allie une sensation de robustesse d'une forteresse à l'élégance d’une œuvre romane en transit vers le gothique. Un édifice qui pourrait se retrouver sous les eaux du lac de Belesar, mais qui heureusement, fut sauvé grâce à un transfert historique.
C’est au cours des premières des années 60 lorsque le dit lac de barrage fut inauguré. Des barrages dans la municipalité de Chantada à quelques kilomètres au sud, transformèrent complètement le cours local du Miño. Gigantesque désormais, les champs de culture sont inondés et les gorges disparaissent. Un cas similaire à ceux de Gorg Blau ou Mont-Rebei. À cette époque, des villages comme Portomarín étaient obligés à se déplacer ou à périr sous les eaux.
De sorte que les villageois laissèrent derrière eux l'emplacement d'origine de Portomarín. Lorsque la sécheresse frappe, vous pouvez voir les vestiges de l'ancien pont médiéval, basé sur un autre pont romain, qui traversait le Miño, tout comme des murs de maisons et de forts. Mais pas ceux de San Xoán / San Nicolás, qui furent entièrement transférés dans la nouvelle ville. Pierre par pierre, l’église fut transportée sur son site actuel. Des reconstructions et d’autres efforts sauvèrent d'autres espaces. Le Monte Cristo a remplacé les quartiers de San Juan et San Pedro et la vie a continué.
Des siècles auparavant, au Moyen Âge, Portomarín était devenu la traversée du Miño préférée des pèlerins. Plusieurs Ordres Militaires s’installèrent sur les lieux, comme le Temple ou les Hospitaliers. Précisément, les Chevaliers de San Juan seraient les plus constants. Au XIe siècle, des avatars guerriers conduisirent à la démolition et à la réédification du pont romain. Favorisée par la cathédrale jacobéenne et les rois de León, la bourgade possédait un hôpital de San Juan au XIIe siècle.
Depuis la fin de ce siècle ou le début du suivant, l'église de San Xoán ne fut pas seulement un temple, mais une forteresse. Une seule nef, de hauts murs, un poste de garde, des meurtrières et des créneaux indiquent clairement qu'elle ne serait pas facile à prendre. Habitée par les Hospitaliers, elle n'a pas le caractère brut des autres bâtiments de ce type, comme on peut le voir à Artajona ou à Monzón. Elle est très fine et élégante. Un mélange saisissant de caractéristiques marquées par les circonstances de ce Moyen Âge violent.
Le roman tardif à influence gothique est très visible à San Juan de Portomarín. Extérieurement, outre la nef rectangulaire et le long chevet terminé en demi-cercle, trois portails sont dans un magnifique état de conservation. Ils reflètent la main de maître Mateo, à l'atelier duquel la conception et l'exécution sont attribuées. L'un de ces accès est situé sur la face ouest et fait partie de la grande façade.
L'entrée en arc en plein cintre comporte un tympan sur lequel apparaît la figure de Jésus-Christ. Une triple archivolte entoure cet espace plein de l'arc. Les 24 vieillards de l'Apocalypse dominent les sculptures avec leurs instruments de musique. Ces figures sont purement du Mateo classique et jouent un rôle de premier plan dans les portiques de la Gloire à Saint Jacques et du Paradis à Orense. Un ensemble dominé par une rosace, exceptionnelle par sa taille pointant vers le gothique .
Quant au portail sud, il partage des éléments structurels avec les autres, tels que le type d'arc ou le nombre d'archivoltes. Dans ce cas, le protagoniste du tympan serait Saint-Nicolas, l’un des patron d’ici et d'autres belles églises. Il apparaît entouré de deux autres personnages, probablement des disciples. Il faut remarquer l'apparition de bêtes sur les chapiteaux et autres éléments architecturaux décorés. Encore plusieurs points pour Maître Mateo.
Il nous reste le portail nord. Une Annonciation est exposée sur son tympan et donc la Vierge Marie et l'Archange Gabriel. Ce qui est claire puisque ses ailes sont ouvertes. Entre les deux figures, il y a une plante qui provoque de nombreuses interprétations. Elle semble être liée à la Trinité, car le numéro trois marque sa composition.
De plus, il faut remarquer, depuis l’extérieur, la rosa à l’est de la nef. Ample et magnifiquement conçue, elle apporte une grande luminosité dans l’église. À l'intérieur, vous pouvez contempler la haute voûte qui sert de toit, avec les arcs transversaux qui la soutiennent. On accède au chevet par une ouverture qui se termine également par un arc ample. Tous les éléments apparaissent parfaitement intégrés et en parfaite harmonie. Cependant l'apparente simplicité cache une conception de grande difficulté architecturale en raison de la hauteur de l'église-forteresse de San Xoán.
La meilleure façon d'apprendre à connaître San Nicolás ou San Xoán de Portomarín est en faisant le Chemin français de Saint Jacques de Compostelle. Il n’y a que 92 kilomètres jusqu’à la capitale jacobine. Un chiffre clé, car la distance actuellement nécessaire pour obtenir "la Compostela" est de 100 kilomètres. En choisissant cette possibilité de suivre l'itinéraire le plus parcouru (avec une différence énorme), c’est de passer par l’un des temples les plus connus de tous les itinéraires menant au tombeau de l'apôtre. Normalement, vous arrivez dans cette ville depuis Sarriá, si vous marchez et non à bicyclette, vous avez là le point de départ le plus populaire.
En tout cas, Portomarín peut se targuer d'être un véritable espace de passage du Chemin Français depuis ses origines en plein Moyen Âge. La nécessité pour les pèlerins de passer le Miño est ce qui a motivé la croissance du village de même que les dons provenant su siège de la cathédrale de Compostelle et des membres du royaume de León. À l'époque, ce caractère clé du pèlerinage servit d'appel aux ordres militaires pour établir leurs commanderies.
Par conséquent, tout Portomarín, San Xoán inclus, est l'héritier du Chemin de Compostelle. Malgré être sur un site nouveau depuis les années 60, le transfert de l’église et d'autres édifices apporte une certaine atmosphère ancienne. De même, traverser l'énorme nouveau pont sur le Miño est une expérience vertigineuse. Les escaliers qui suivent, par contre sont redoutés par de nombreux pèlerins. Pour suivre l'itinéraire naturel, la prochaine étape est en général Palas de Rei.
Indépendamment du Chemin, le caractère extraordinaire de l’église en fait une destination touristique attrayante. C’est aussi un bon endroit pour déguster la gastronomie de Galice, et il y a non loin certains sites qui méritent bien une visite. Par exemple, San Estevo, à Rivas de Miño, dont l’église a quelques traits rappelant San Xoán. Proche aussi est la ville de Lugo et ses murailles romaines tandis que Saint-Jacques ou Cebreiro, quoique plus éloignées sont des excursions possibles.