La Dame de Zamora et le siège de son château | À l’ombre d’un château 4
De combien de manières Urraca, la Dame de Zamora, a-t-elle imaginé sa mort pendant le siège auquel elle a été soumise ? L’a-t-elle imaginée, ou est-elle restée toujours confiante dans la légitimité qui a guidé ses pas ? Peut-être, selon les études de caractère, n’avait-elle même pas la volonté de penser à un tel destin, malgré les sept mois difficiles qu’elle a passés à résister dans le château de Zamora. La ville est assiégée par Sancho II de Castille, qui tente en vain de rendre l’une des rares places fortes qu’il lui reste à conquérir.
Vue de la cathédrale de Zamora depuis le château | Shutterstock
Doña Urraca, la Dame de Zamora, était la première fille de Ferdinand Ier de León et de Doña Sancha de León, mariage qui a donné naissance à quatre autres enfants. C’est le fils immédiatement après Urraca, Sancho, qui a compliqué la vie de la famille royale. De quatre ans plus jeune qu’Urraca, la lutte pour le trône, d’abord invisible, puis palpable, fait rage entre eux. Urraca a reçu l’éducation exigée par le premier enfant d’un mariage royal, homme ou femme, mais c’est Sancho qui a toujours cru que le trône lui reviendrait de droit.
Il n’est pas surprenant que lorsque Ferdinand Ier de Castille meurt et divise son territoire entre tous ses fils, Sancho pense que c’est un acte injuste. La Castille tombe entre ses mains, tandis que le León, le territoire le plus prisé, revient à Alphonse, le quatrième fils. Lorsque Sancha, la matriarche, a également quitté le monde des vivants, Sancho a commencé une période de batailles et de guerres familiales, de trêves insoutenables et de pactes de bonnes intentions mais irréalisables. Petit à petit, il renverse ses frères, leur coupe les ailes ou les emprisonne, afin de s’emparer des territoires qui, selon la volonté explicite de son père, ne lui appartiennent pas.
Sauf pour Zamora. Zamora, dans les mains de Doña Urraca, a tenu bon.
Château de Zamora | Shutterstock
Le château de Zamora est situé sur la partie la plus élevée de la colline où se trouve la ville. En raison de sa position stratégique, mais aussi des sièges continus auxquels la ville a été soumise, le château a rapidement abandonné son aspect palatial au profit d’un aspect exclusivement militaire. Zamora devait se défendre et ce château a plus que rempli cette fonction, comme première barrière contre la ville et comme lieu de refuge. Urraca a dû se sentir, dès le début et jusqu’à la fin, en sécurité dans ses murs. Avec l’étoffe d’une reine et une grande intelligence, la Dame de Zamora s’est rendue forte dans ce château.
Le siège par Sancho II de Castille a commencé le 4 mars 1072. La vie dans la ville se complique à partir de ce moment-là, mais, avec Doña Urraca à la tête de la résistance, ils tiennent bon. Il est facile de l’imaginer devant les grandes fenêtres du bâtiment, contemplant comment, de l’autre côté de l’immense fossé, reposait l’armée d’un frère avec lequel elle ne s’est jamais totalement entendue.
La légende veut que ce qui a mis fin au siège de Zamora soit une démonstration d’amour, comme le rapporte la Chronique de Najera, qui pourrait à son tour être tirée d’une chanson de geste. Il s’agit d’une démonstration d’amour, dont le protagoniste est un nouveau personnage : un homme appelé Bellido Dolfos, ou Vellido Dolfos. Il n’est pas non plus difficile d’imaginer Bellido, étant donné le caractère héroïco-romantique du Moyen Âge, faisant ses adieux à sa bien-aimée. Promettant de revenir avec la victoire pour elle ou la mort pour lui.
Une des images les plus populaires du château de Zamora | SmartCostumer, Pixabay
Bellido s’infiltre dans les rangs de Sanche II de Castille, se présentant comme un homme qui a renoncé à sa loyauté envers Zamora. Il mangea aux côtés du roi et gagna sa confiance, jusqu’au jour où sa confiance fut complète. C’est ainsi que, selon la tradition, il a conduit Sanche II de Castille à l’endroit qui était autrefois connu sous le nom de Porte de la Trahison, l’une des portes qui composent la première enceinte fortifiée. Il a garanti à Sancho que ce serait sa porte d’entrée dans la ville. Rien n’aurait pu être plus éloigné de la vérité.
Profitant d’un oubli du roi de Castille, Bellido Dolfos lui plonge une dague dans le cœur et s’enfuit, terrorisé, avec sa maîtresse. Il retourne à Zamora par cette Porte de la Trahison et le siège de Zamora, avec la mort de Sancho II quelques jours plus tard, prend fin.
C’était en octobre 1072, sept mois s’étaient écoulés. La Dame de Zamora était toujours dans son château, avec la loyauté du peuple et pleurant la mort d’un frère qu’elle n’a jamais vraiment compris.
En décembre 2010, la Porte de la Trahison a changé de nom pour devenir la Porte de la Loyauté. À cet endroit, on peut lire une plaque qui rappelle cet épisode : “selon la tradition, Bellido Dolfos est entré par cet endroit après avoir tué le roi Sancho II de Castille et libéré la ville de Zamora du siège… avec la reconnaissance éternelle du peuple de Zamora”.
