De nombreux villages espagnols durent être déplacés de leur lieu d'origine, mais, dans la plupart des cas, ce ne fut qu'un nouveau départ. La construction de barrages, ou même simplement de les programmer ou, dans le pire des cas, une catastrophe, ont contraint des bourgades entières à se déplacer. Parfois, le simple fait de se retrouver sans moyens de communication, sans électricité ou simplement sans ressources fit changer de lieu toute une localité. D'autres fois, c'est le gouvernement lui-même qui décida de son transfert. Nous allons, ici, en revoir quelques exemples qui sont aussi le fait d’un esprit de lutte et de résistance.
Les frères de l'Ordre de l'Abbé Juan qui avaient fui le harcèlement du califat de Cordoue fondèrent ce petit village en 920. En 1833, il fut inclus dans le Parc Naturel de Sanabria dans la province de Zamora, en Castille et León. Le 9 janvier 1959, il devint tristement célèbre lorsqu'il fut dévasté par les eaux lors de la rupture du barrage de Vega de Tera, qui coûta la vie à 144 personnes. Aujourd'hui, quelques éléments architecturaux intéressants tels que la mairie, les écoles, une partie de l'église ou des maisons sont conservés.
Le vieux village n'a pas été complètement abandonné, bien que la majorité de la population soit allée à Ribadelago Nuevo. Ce village présente des caractéristiques très différentes de l'original, suivant des modèles plus typiques d’Andalousie ou d’Estrémadure car il a suivi les préceptes du plan Badajoz. La commune de Galende, où il se trouve, possède plusieurs monuments qui rendent hommage aux victimes. Parmi les plus récents, une sculpture commémore les 50 ans de la tragédie.
Le vieux village de Tous, comme le nouveau sont situés dans la région de la Ribera Alta, dans la province de Valence. En 1970, la construction du barrage auquel il donna son nom a motivé un transfert forcé de la population initialement installée sur les rives de la rivière Júcar. La façade de l'église a pu être préservée grâce à son déménagement, pierre par pierre en 1972, vers son nouvel emplacement. Là, à 14 km d’Alzira et 50 km de Valence, on peut voir ce magnifique monument du début du XVIIIe siècle.
Le reste des ruines de l’ancien village peut être vu en fonction du niveau des eaux. Ses vieilles rues, ses maisons, la tour et le château sont quelques-unes des surprises que le lac réserve aux visiteurs. Ce nouvel emplacement a permis d'éviter en grande partie une inondation plus importante qui eut lieu en Espagne "la Pantanada" en 1982. Un débordement du barrage qui contraignit deux villages, Gavarda et Beneixida, à se relocaliser. Alzira fut cependant très touché, comme le reste de la Ribera Alta et de la Baja. Une dizaine de personnes moururent.
Talavera la Vieja était située sur les vestiges de l'ancienne ville romaine d'Augustóbriga dans la province de Cáceres. La racine "briga" indiquait "lieu fortifié". Elle fut couverte, dans les années 1960, par les eaux du barrage de Valdecañas. Ses habitants furent déplacés non pas dans un, mais dans divers villages créés pour eux: Rosalejo, Tiétar del Caudillo, Santa María de las Lomas, Barquilla de Pinares et Pueblonuevo de Miramontes. Tous font partie de la région de Campo Arañuelo. Par exemple, dans le premier a été placé le poteau juridictionnel de Talavera.
Il nous faut signaler les restes de l’ensemble monumental de "Los Mármoles". Datant du IIe siècle ap. J.-C., ils furent transférés pierre par pierre à leur emplacement actuel à côté d'un pont du barrage en 1963. Sur l'ensemble, on peut encore observer des restes de stuc. Selon les villageois le nom provenait des colonnes qui auraient été décorées de verre. A côté se trouvent les ruines également romaines dites « Le Temple »
En période de sécheresse, on peut voir les restes de l'église des Santos Mártires. Restent aussi des vestiges d'un ancien aqueduc ou tarjea, des conduites d'eau souterraines et des Bains. Lorsque les eaux baissent suffisamment, il est possible d'apprécier le dolmen du Guadalperal, qui a souvent été comparé à celui de Stonehenge. Par curiosité, dans la ville de Leganés, on peut voir une place dédiée à Talavera la Vieja qui présente l'une des anciennes pierres tombales romaines.
Municipalité de la province de Lugo dans la communauté autonome de Galice. La vieille ville était à côté d'un pont romain sur la rivière Miño et en 1962 avec la construction du barrage de Belesar, elle fut engloutie par ses eaux et transférée à Monte do Cristo. En 1946, la municipalité d'origine avait été déclarée ensemble Historique et Artistique. Il fallut donc reconstruire certains édifices tels que l'église de San Juan, de style roman, qui fut complètement transférée à son nouvel emplacement. Lorsque les eaux sont basses, les pèlerins du Chemin Français qui le traverse, peuvent observer les vestiges qui apparaissent. L'ancien passage sur le Miño, diverses ruines et même celles qui subsistent du cimetière.
C’est une municipalité située dans la région de l'Alto Najerilla dans La Rioja. Baignée par les rivières Gatón, Najerilla et Cambrones, elle était entièrement construite en pierre et en silex. En 1959, on construisit un nouveau village, car l’ancien fut complètement englouti par les eaux en raison de la construction du barrage. Dans ses environs, on peut visiter l'église Santa Catalina, sauvé de l’inondation pour être en hauteur. Elle fut construite au XIIe siècle, avec de magnifiques chapiteaux et une abside semi-circulaire qui conserve une baie avec une grille romane. Chaque année, les eaux découvrent la vieille ville et il est même possible de se promener dans ses rues. Dans la nouvelle ville, l'Iglesia de la Concepción, conserve une croix processionnelle de tradition mozarabe de 1109. Ce village était l'un de ceux qui disparurent en raison du plan hydrologique national de l'époque.
Fayón ou le Vieux Foaió, dans la région du Bajo Aragón-Caspe, est submergé sous les eaux du barrage de Ribarroja. On aperçoit des vestiges des vieilles maisons, du chemin de fer et du cimetière. Les villageois les plus anciens se souviennent des bateaux qui transportaient sur l'Èbre le lignite depuis les mines de Mequinenza, Almatret et Fayón jusqu’à la gare. La construction du barrage de Ribarroja à la fin des années 1960 a contraint ses habitants à quitter leur village pour un nouveau. L'inondation du village eut lieu sans avertissement et certains villageois revinrent pour récupérer les statues des saints qui étaient restées dans l'église.
Ce Village de la province de Huesca. fut exproprié pour la construction d'un barrage qui ne fut jamais construit. Au début des années 1960, l'expropriation commença. De nombreux habitants organisèrent des épisodes de résistance, malgré que les travaux du réservoir n'aient même pas commencé. Les villageois furent contraints de quitter le village, mais aucun d'entre eux n'a réellement quitté son domicile. Des maisons en ruines, des rues vides et pleines de végétation transmettent ce caractère « obstiné » de ses habitants.
Malgré des pressions persistantes, plusieurs familles sont restées chez elles dans une lutte inégale. Barcelone, Saragosse, Boltaña ou Barbastro furent quelques-unes des destinations des anciens habitants de Jánovas. Malgré cela, l'esprit de Numance a survécu et récemment plusieurs études sont en cours pour la reconstruction et le repeuplement du village. Par conséquent, on peut considérer que ce village effectue une sorte de diaspora souhaitant que le transfert ne soit que temporaire.
Dans la province de Malaga, dans la région de Guadalteba se trouvait la municipalité de Peñarrubia. Ses habitants furent expulsés en 1971 pour construire les barrages de Guadalteba et Guadalhorce. Par conséquent, leurs maisons furent démolies, ne laissant que l'église, l'école et la caserne de la garde civile.
Les habitants s’en allèrent dans le quartier de Santa Rosalía à Malaga. On peut considérer que Peñarrubia est maintenant ici. De nos jours et en raison de la sécheresse, il est possible de voir les vestiges de l'église et du cimetière du village. On peut voir aussi la nécropole des Eras de Peñarrubia. Il s'agit d'un enterrement de l'ère romaine tardive et wisigothe.
Situé à 49 km de Saragosse, Belchite, fut le théâtre terrible de l'une des batailles les plus sanglantes et symboliques de la triste Guerre Civile espagnole. Pendant la guerre, le village fut presque complètement détruit et un nouveau fut construit juste à côté. Il a été utilisée comme propagande politique par le franquisme car il ne bénéficiait pas de mesures de conservation. Ce ne fut qu'en 2002 qu'il a été déclaré Bien d'Intérêt Culturel.
On peut visiter les ruines du vieux village de jour comme de nuit. L'église de San Martín de Tours avec sa tour du XVe siècle ou la tour de l'Horloge sont de beaux exemples du style mudéjar très caractéristique de Belchite. Son paysage a été choisi par de nombreux cinéastes comme décor de leurs films. Par exemple, Guillermo del Toro l’a utilisé pour Le labyrinthe du Faune.