Pendant le Moyen Âge, les cathédrales étaient consacrées comme les épicentres locaux. Les centres de connexion spirituelle avec Dieu qui devaient également servir à l'Église à consacrer sa puissance. De sorte que, leurs décorations enrichissaient non seulement le lieu, mais avaient également une valeur didactique incalculable. Des porches ou des peintures murales moralisaient ou racontaient des histoires. Une catéchèse graphique qui se trouve reproduite dans le magnifique portique du Paradis, dans la cathédrale relativement méconnue d'Orense. Un ensemble roman tardif qui compte parmi les plus remarquables de Galice.
Les ressemblances entre la cathédrale d'Orense et celle de Saint-Jacques-de-Compostelle sont énormes. Par exemple, toutes les deux furent construites sur un terrain qui n'était rien de moins que plat. De sorte que leur structure inférieure les rend très reconnaissables, comme on peut le voir sur la place spectaculaire de l’ Obradoiro. Sous forme des puissants contreforts et des voûtes en berceau. Au-dessus des deux se dressaient les portiques des temples, à la fin des nefs.
Le portique du Paradis tout comme le porche de la Gloire s’ouvrait à l'origine sur d’immenses balcons. Élevés sur des éléments de soutien puissants, c’étaient des lieux polyvalents où l’on tenait des réunions, des actes de justice... Les parvis ont longtemps présenté un aspect différent, sans les escaliers actuels. Dans le cas d'Orense, ceux-ci ne sont arrivés que dans le dernier quart du XXe siècle.
Malgré tout, la cathédrale de Compostelle est de plusieurs décennies antérieure à sa compagne. Le portique du Paradis s’élabora au milieu du XIIIe siècle, selon le style roman de l'école de Maître Mateo, qui coordonna celui de la Gloire. On pense que des membres de son atelier auraient travaillé sur certaines des sculptures, tandis que d'autres auraient été l’œuvre d’artisans de Burgos ou d'influence française. Cela serait passé par le Chemin de Compostelle comme en témoignent ses églises.
Quoi qu'il en soit, l'intention de l'ensemble semblait vouloir réaffirmer les sources religieuses canoniques. On réaffirme ainsi les apôtres et les prophètes. Un moyen de combattre l'hérésie et les histoires apocryphes qui étaient si nombreuses à cette époque. Ainsi, le portique du Paradis supposait être la culmination de la cathédrale originale, avant que les ajouts des temps ultérieurs ne finissent par consolider son apparence.
Bien que plusieurs réformes aient changé son apparence, le portique du Paradis est toujours un ouvrage majeur. Il se compose de trois arcs en plein cintre. Curieusement, ils sont tous différents, bien que ceux des côtés aient une hauteur très similaire. Celui du centre, plus large, a un meneau, une fine colonne divisant sa portée. C’est juste sur lui que se trouve l'une des grandes pertes qu'il a subies : le grand tympan central, l'espace qui remplissait l'intérieur de l'arc.
Dans tous les cas, les personnages ont une polychromie brillante. Un travail du XVIIIe siècle sur les originaux du XII, récemment restauré. Malgré le manque d'expressivité que montrent les personnages du porche de la Gloire, ceux d’ici sont individualisés et sereins
Les bases des colonnes étaient également décorées à l'époque. On pense par les profils qui s'y trouvent qu’il y aurait eu des animaux. Une première section des colonnes est couronnée de chapiteaux zoomorphes et végétaux, qui s’inspirent à la fois de la réalité et de la mythologie. L'ensemble polychrome et biblique commence au-dessus d'eux, où les sculptures font partie des colonnes, des arches et des archivoltes avec les moulures concentriques autour des arches. Sur le toit, il y a une voûte nervurée en forme d'étoile à la suite des réformes du XVIème siècle.
À la gauche l'arc nord se déploie. Neuf prophètes y coexistent, huit sont reconnaissables grâce à des pancartes avec leurs noms inscrits et un dernier est anonyme. Osée et Malachie reposent sur le mur même du porche. Les autres sont installés entre les arcades. Ce sont Ézéquiel, Habacuc, Jonas, Daniel, Jérémie et Isaïe. Quant aux interprétations sur l’anonyme, elles n’ont abouti à aucune conclusion définitive. Le visage de Daniel et son sourire, en particulier le détachent sur ses compagnons. La végétation représentée dans l'arc lui-même fait penser qu'il s'agit de l'Eden, par opposition à l'arc sud où se montre le jugement final.
Il est flanqué par quatre des prophètes mentionnés antérieurement à gauche et autant d'apôtres à droite qui sont Pierre, Matthieu, Jacques et Jean. Cependant, ce qui est le plus frappant, ce sont les 24 vieillards de l'Apocalypse, répartis autour de l'arc comme dans la cathédrale, point final du Chemin de Compostelle. Ceux-ci font partie d'un passage du livre biblique mentionné, apparaissant autour du trône céleste dans une vision de Saint Jean. Cependant, ici, ils font preuve d’une richesse encore plus grande dans les instruments musicaux qu'ils jouent. Il faut souligner également le fait que plusieurs se regardent.
Sur le meneau apparaît une figure de Saint Jacques qui, bien qu'elle soit du XIIIe siècle, y fut placée à l'époque moderne. C'est en tout cas une claire référence jacobine, car Orense est l'une des étapes sur la Route de l’Argent dans la variante passant par Puebla de Sanabria au lieu d'Astorga. La statue est superbement conservée et présente une attitude naturelle. Au-dessus, il y a une vierge à l'enfant et dans l'espace du tympan une sculpture plus tardive de San Martiño, le patron du temple qui apparaît à cheval et avec une épée, ce qui fait que plus d'un pèlerin le confonde avec Saint Jacques.
Enfin, il y a l'extrémité droite. Les autres apôtres ont une distribution similaire à l’antérieure de l'autre côté et il y en a trois sans identité. Saint Matthieu et Saint André sont reconnaissables au livre ouvert sur lequel leur nom est inscrit. Quant au thème de l'arc lui-même, il s'agissait, comme prévu, du jugement dernier. Une nouvelle similitude avec la cathédrale de Compostelle. Les figures des justes sont opposées à celles des pécheurs. Alors que les uns montent dans les bras des anges, les autres sont torturés ou dévorés par des démons et des serpents.
Bien que le portique du Paradis soit le point culminant de la cathédrale de San Martiño, elle possède de nombreux autres attraits. Pour la visiter, vous n'avez pas besoin de réserver, mais si payer une entrée. Heureusement, elle est accompagnée d’un guide audio complet qui vous permet de bien profiter de l'ensemble. Bien sûr, vous n'avez pas à payer pour voir l'extérieur. Là, les différentes façades se détachent, donnant sur des places comme Los Suaves ou Trigo. Les tours, qui sont trois, furent élevées dans leur forme actuelle vers le XVIe siècle. Deux sont complètes, celle des cloches et celle de l'horloge. Quant à celle de San Martín elle est restée inachevée.
Une fois dedans, on remarque le dôme gothique, du XVe siècle. Semblablement il a une antiquité similaire à celui de La Seo de Saragosse. Quant au déambulatoire, bien qu'il soit notable, il fut construit au XVIIe siècle et remplace le roman d'origine. Cependant, l'ensemble du maître-autel et du chœur sont vraiment extraordinaires, du XVIe siècle. Ce sont des éléments qui en font l'une des grandes cathédrales du pays, malgré le fait que la renommée tombe sur celles de León, Santiago, Séville ou Burgos.
Enfin, il nous reste le Saint Christ d’Orense, la figure la plus connue de l'endroit. Elle date du XIVe siècle et proviendrait de Finisterre. Extrêmement réaliste, elle est recouverte de tissus qui ressemblent à de la peau humaine. Différentes légendes disent que ses cheveux poussent ou que c’est réellement un cadavre momifié. La chapelle dans laquelle est conservé le Saint Christ présente une décoration très abondante et profuse dominée par l'or. Les sculptures sont de différentes périodes et les stalles du choeur que l'on y voit font partie du chœur d'origine, transposées ici.