Mogarraz est situé au cœur de la Sierra de Francia, appelée ainsi parce qu'elle a été repeuplée par les français au XIe siècle. Ils ont pu voir, avant tout le monde, combien cette terre était prospère : à l'abri des montagnes, au milieu de grandes forêts, baignée par des ruisseaux. Cette région de Salamanque est l'un de ces paysages castillans qu'il faut découvrir calmement, avec soin et attention. Dans l'itinéraire que l'on peut tracer autour de ses formes vertes, Mogarraz occupe une place particulière. Connu comme le village des visages, sa beauté et son histoire en font un arrêt obligatoire sur la route pour tous ceux qui apprécient le voyage.
Mogarraz a été déclaré site historico-artistique en 1998. De son apparence il faut souligner ce qui caractérise tous les villages de la Sierra de Francia. Ses rues pavées abritent de nombreux bâtiments qui suivent les modèles de l'architecture montagnarde aux influences françaises. Des façades à colombages sur des piliers forts de granit et de pierres.
Parmi les monuments de ce village de Salamanque, deux se distinguent. D'une part, la petite église d'El Humilladero, qui date du XIIIe siècle. Une fois devant le monument, en plus de jeter un coup d'œil aux détails de l'église, vous devriez également découvrir le calvaire situé à l'arrière de l'église. La croix dite des Juifs, dont le chapiteau est décoré de crânes, a été érigée au XVIIe siècle.
L'église de style Renaissance Nuestra Señora de las Nieves est également très intéressante. Mogarraz, comme tous les villages, avait besoin d'une église. C'est pourquoi, au XVIIe siècle, on a construit cet endroit où la Virgen de las Nieves, la sainte patronne du lieu, vielle sur les habitants. La tour-clocher, construite au début du XVIIIe siècle à des fins défensives, est également remarquable. Mogarraz, bien qu'étant un petit village, réserve des surprises au visiteur.
La plus grande de ces surprises est sans aucun doute l'exposition permanente qui orne les rues depuis près de quinze ans. Appelé Retrata2/388, l’exposition a sa première origine en 1967. C'est à cette époque que la carte d'identité nationale a été introduite en Espagne, obligeant les habitants de Mogarraz à se faire photographier pour ratifier leur identité. Mais dans des villages comme celui-ci, il était difficile de mener à bien une telle mission à la fin des années soixante. Salamanque, entre les routes de campagne et sans beaucoup de moyens de transport, était loin. Heureusement, il y avait un illustre voisin qui était revenu des îles Canaries avec un appareil photo à la main. Il a placé tous les habitants devant un drap blanc et a commencé à prendre des photos. Cette procédure bureaucratique a donné naissance à une immense collection de photographies qui sont, collectivement, le portrait d'un moment, d'une époque.
Au début du siècle, ces photographies sont réapparues. Il semble que la première idée ait été de les numériser, mais un autre illustre voisin était là aussi. À cette occasion, Florencio Maíllo, artiste et originaire de Mogarraz. Il avait vécu cet événement photographique lorsqu'il avait cinq ans et la découverte du résultat de cette journée communautaire l'a frappé comme seuls les souvenirs d'enfance le font. Il a donc eu une idée : prendre ces photos et les transformer en portraits picturaux, les offrir en cadeau aux protagonistes ou à leurs descendants et en décorer le village pendant un certain temps.
"Deux aspects qui étaient présents dans mon enfance, d'une part, le décor, les rues et les maisons des protagonistes, et d'autre part, la présence d'hommes et de femmes qui vivaient dans le village à cette époque-là", déclare Maíllo lui-même sur le site web créé pour l'exposition. "À cette époque, j'avais à peine cinq ans, c'est pourquoi ces portraits constituent une partie fondamentale de ma première iconographie humaine", explique-t-il.
Ce processus obligatoire a été reconverti en art. Dans cette exposition, qui devait être temporaire et a fini par être permanente, il n'y a pas que des portraits. Il s'agit, comme le souligne Maíllo, "d'un véritable mémorial qui renforce une identité rurale soumise à une forte spoliation et désidentification et finalement à un oubli et une indifférence quant à son sort dans l'histoire générale du pays".
C'est aussi une façon de mettre en valeur ces villages qui ont vécu selon leur propre rythme et qui, comme Mogarraz, ont surmonté les difficultés que le temps et l'espace ont placées devant eux. Dans sa proposition, l'artiste insiste sur le terme de "mémoire collective", et c'est ce que les rues de Mogarraz ont fini par devenir. Une façon de se souvenir de ceux qui étaient là à l'époque.