Que les parents deviennent parfois cruels est une chose qui a été démontrée à maintes reprises. Ce doit être le manque de sommeil, la bataille constante pour les habiller et les nourrir, les cris ou les faire dormir le soir. Les enfants sont une bénédiction, oui, mais pas toujours. Il suffit de demander à la personne ingénieuse qui a utilisé pour la première fois la figure du Coco pour obliger à un enfant d'aller dormir. Cela a dû fonctionner, au moins en Espagne car le Coco existe encore parmi nous. D’où vient ce grand monstre de la tradition populaire espagnole ?
Il est 22h, n'importe quel jour de la semaine. Une femme tente de mettre au lit son jeune fils, qui refuse d'aller se coucher. Après avoir apaisé le refus intempestif de l'enfant, elle le borde dans les draps, mais, pour s'assurer que l'enfant ne se lèvera pas plus tard comme il l'a fait les autres nuits, elle chante ainsi : "Dors mon enfant, dors maintenant, sinon le Coco arrivera et te mangera". Il s'agit d'une figure de contrôle et de pédagogie sinistre. Mais la question est : d'où vient le mythe ?
La vérité est que la figure du Coco, largement utilisée en Espagne, n'a ni époque ni lieu d'origine précis. La légende s'étend bien au-delà des limites de l'imagination. L'historien Rodrigo Caro, du XVIIe siècle, a affirmé que ces monstres d’enfants remontent à l'époque grecque et romaine. À son tour, le poète romain Persius Flaccus crédite leur existence dès le 1er siècle.
Ce que l'on sait, c'est qu'il est apparu pour la première fois par écrit en Espagne. En 1445, le poète Antón de Montoro mentionne le Coco pour la première fois dans son recueil de poésies. Selon les anthropologues Alberto del Campo et Fernando C. Ruiz, entre le XVe et le XVIIe siècle, le Coco était une figure largement diffusée. Miguel de Cervantès et Francisco de Quevedo sont parmi les nombreux auteurs qui ont mentionné ce monstre dans leurs écrits.
Sur le plan étymologique, selon les anthropologues Del Campo et Ruiz, il existe de nombreuses théories sur l'origine de ce mot. Eh bien, le Coco fait toujours ses propres affaires. Il ne veut pas se faire connaître plus que ce qui est strictement nécessaire. Célèbre oui, mais réservé.
De même, les étymologistes Carominas et Pascual affirment que " coco était le premier nom enfantin pour certains fruits sphériques européens, et par comparaison, il a ensuite été appliqué au fantôme, puis le fruit du cocotier a été nommé ainsi ". En conclusion, d'abord le monstre, puis la noix de coco. Pourquoi ? Parce que le fruit ressemblait à un visage poilu avec des yeux et une bouche.
Toujours dans le cadre du mystère entourant ce monstre, le Coco ne prend pas non plus une forme physique spécifique. Pour les Portugais, c'est un dragon qui est représenté chaque année lors de la célébration du Corpus Christi. Dans les Asturies, comme le soulignent les anthropologues Del Campo et Ruiz, le Coco prend la forme "d'un géant aux yeux de feu, à la bouche en forme de panier, à l'estomac énorme, très poilu et noir comme un tison".
En fait, le Coco pourrait bien être comparé à une sorte de boggart, cette créature du monde magique de Harry Potter qui prend la forme qui effraie le plus la personne en face d'elle. Le poète García Lorca, toujours attentif à la culture populaire, soulignait que "la force magique du Coco est précisément son caractère flou. Il ne peut jamais apparaître même s'il hante les pièces".
On ne sait pas où il est apparu pour la première fois, mais le Coco habite l'imaginaire collectif de la moitié du monde, surtout dans les pays hispanophones. Dans les pays d'Amérique latine comme l'Argentine, Porto Rico et la Bolivie, il est appelé Cuco, tandis qu'au Brésil, il est connu sous le nom de Cuca. En Bulgarie, il devient le redoutable Torbalan et dans les pays nordiques, la Norvège et le Danemark, le Bussemanden. De même, au Portugal, en Espagne et au Mexique, il est connu sous le nom de Coco, un nom qui diffère même selon la province où l'on se trouve. S'il y a une chose que les femmes et les hommes du monde entier semblent avoir en commun, c'est bien l'envie d'endormir leurs petits. El Coco le sait, et en est reconnaissant.
Dans une de ces interprétations du mythe, le Coco porte le nom de Bloody Bones. Nous parlons d'une créature, répertoriée par l'écrivain américain John Locke en 1693, dont l'origine se trouve au Royaume-Uni et s'étend aux États-Unis. On dit que cette créature vit près des étangs. Selon l'auteure Ruth Tongue, Bloody Bones attend "assis sur un tas d'os rongés ayant appartenu à des enfants qui ont dit des mensonges et des gros mots".
Le redoutable Coco est également connu sous le nom de Bogeyman, dans ce cas, une version qui viendrait d'Écosse. On dit que le croque-mitaine attend, comme un travailleur acharné de Monstres et Cie, derrière les lits d'enfants, toujours prêt à bondir sur sa proie effrayée. Le coco a, en somme, une variété infinie de versions. Beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis la première mention écrite en Espagne du Coco. Néanmoins, le mythe est toujours vivant dans le monde entier.