Au début du IVe siècle après JC. Le co-empereur romain Dioclétien lança une sanglante campagne de répression contre les chrétiens. Ce fut la dernière et la plus grave des débuts de cette religion. Étendue sur tout l'empire, elle a généré une gamme diversifiée de martyrs. Parmi eux, deux enfants, les Saints Justo et Pastor. Ils sont nés et morts à Alcalá de Henares, où la cathédrale leur est consacrée malgré le fait qu'une partie de leurs reliques se trouvent à Huesca et en France. Cependant, sous leur patronage, il y a un autre endroit encore plus frappant. C'est une ancienne petit église rupestre à Olleros de Pisuerga, Palencia.
L'église des Saints Justo et Pastor de Olleros de Pisuerga est située au nord de la province, près des Fuentes Carrionas. Le village où elle est, appartient à la municipalité d'Aguilar de Campoo, une zone proche de la Cantabrie, liée aux villages de cette région qui combattirent les Romains. Par conséquent, les richesses naturelles et culturelles s’y trouvent mélangées.
On pense que ce fut au Xe siècle que des ermites mozarabes arrivèrent à cet endroit fuyant les régions musulmanes. Ils profitèrent d'une petite montagne pour établir une petite église. Ils creusèrent le promontoire et créèrent une petite salle voûtée qui a aujourd'hui la fonction de sacristie. De cette façon, l'origine de l'église a des parallèles avec celle des saints qui lui ont donné son nom. Toutes deux sont devenues célèbres du fait de la répression religieuse.
Les églises étaient courants aux débuts du Moyen Âge. Peñalba de Santiago, près de Ponferrada à León, était par exemple un lieu célèbre de moines solitaires mozarabes. Ces espaces fonctionnaient comme des endroits où les religieux cherchaient à se connecter avec Dieu dans la solitude.
Cet espace à l’origine allongé fut creusé dans le rocher pour donner forme à une ample voûte en berceau qui part presque du sol. Une solution typique de l'époque, que l’on retrouve dans des cryptes comme celle de Santa Eulalia de la Bóveda près de Lugo, également associée à l'architecture romaine. À cette époque on avait ouvert une baie servant de fenêtre et une porte, maintenant fermée. Quoi qu'il en soit, l'endroit commença à prospérer et à s'agrandir.
Jusqu'au XIIe siècle, le lieu fut agrandi peu à peu. Des études à cet égard indiquent que ce fut à la fin de ce siècle lorsque la forme de la chapelle se compléta. C’est pourquoi, le style majoritairement apprécié est le roman. Tout l'ensemble est parfaitement adapté au bloc géologique dans lequel il est encastré. De cette façon, l'excavation de la roche de grès montre une orientation approximative nord-sud et le chevet semble quelque peu dévié par rapport aux nefs.
Éclairé par diverses baies sur la campagne, en entrant vous découvrez un espace divisé en deux par un ensemble de trois colonnes et un pilier. Tous, très sobres, sans décoration sur les linteaux. Seul le pilier est d'origine. Les colonnes imitent le style roman. Les deux colonnes centrales furent remplacées au XVIIe, probablement à cause de la détérioration qu'elles avaient subie. La troisième, sur le devant fut remodelée à la même époque.
La couverte est en forme de voûtes en berceau, avec une brisure sensible. Un travail détailliste qui comprend des arcs doubleaux renforcés de nervures. Chacune des nefs est couronnée d'une abside voûtée, simple et soignée comme toute l'église des Saints Justo et Pastor. À droite se trouve le flanc de la montagne qui surplombe l'extérieur, les fenêtres et la sacristie. Il est à noter que tout au long de ce côté aussi, des colonnes cisterciennes ont également été sculptées.
Mais une troisième abside s'ouvre à gauche. Une troisième nef aurait été prévue mais ne fut jamais creusée. La triple abside est quelque peu étrange, on peut la voir par exemple dans la basilique de Santa Lucía del Trampal en Estrémadure, près de la Route de l’Argent. En tous cas, il n'a pas été possible de percer au-delà du chevet. Il se compose donc, d'un petit espace rectangulaire prolongé par un autre demi-circulaire. Il y a une cavité rajoutée au cimetière rupestre situé à côté du temple sur la même colline.
Enfin sur le côté gauche, entre le pilier et la colonne devant la porte d'entrée, il y a un creux où se trouve le bénitier. Comme une grande coupe, austère et sans décoration, ils occupent une niche qui, si la troisième nef avait été aménagée, aurait été connectée à l'abside correspondante. En arrière-plan, un chœur en bois est érigé, tout aussi simple que le reste de l'ensemble. Tout cela est très robuste et trompeur. Aucun élément n'est fonctionnel, tous sont décoratifs. Le rocher lui-même donne toute la force nécessaire et les voûtes et les pilastres ne sont rien de plus qu'un travail d'imitation pour ressembler au roman de Palencia.
La continuité de la communauté qui habitait ce qui est aujourd'hui une église paroissiale semble confirmée par les ajouts effectués. Par exemple, les colonnes du XVIIe qui ont remplacé les anciennes. Le retable de l'une des chapelles principales est plateresque, consacré aux titulaires et date du XVIe. De cette époque aussi date une chaire polychromée située sur le mur de gauche. Le Christ crucifié qui occupe l'espace voisin date du siècle suivant. En dessous se trouve un vestige romain, probablement un pilier ou un autel sacré. Quelques peintures murales ont également été réalisées. Diverses sculptures sur bois occupent un espace entre la chaire et les fonts baptismaux
De même, l'atrium d'accès et le clocher plat qui couronnent la montagne sont modernes. Ces deux éléments génèrent une image très particulière. De plus, le temple possède une tour extérieure et indépendante. Elle domine une grotte utilisée à des fins de petits travaux. On croit qu’antérieurement ce fut un clocher plat pour les cloches, ou une tour de guet défensive. En tout cas, au XVIIe siècle, on lui donna sa forme de clocher. Parfait complément pour ce jolie recoin.
Tout cela fait de l'église des Saints Justo et Pastor d'Olleros de Pisuerga un "rara avis " du roman. Tous les éléments de ce style, simplement décoratifs et son agencement sont uniques. C'est aussi un exemple magnifique de travail rupestre en Espagne. Il faut l’ajouter à des sites aussi intéressants comme le sanctuaire de la Virgen de la Esperanza à Murcie ou l'église d'Ojo Guareña à Burgos. Tout comme aux grottes sacrées de l'abbaye du Sacromonte à Grenade, le sanctuaire de la Hoz à Guadalajara ou la Cuevona de Covadonga dans les Asturies.