Rome est entrée dans la Galice actuelle au premier siècle de notre ère. Ses campagnes ont laissé un certain héritage comme la fondation de Lugo, remémorée dans l'Arde Lucus. Le camp militaire se transforma en une ville prospère. Pendant que les castros ou villages celtibères languissaient, la culture latine s’imposait à une vitesse moyenne. Ce jeune empire n'avait pas grand-chose à voir avec son final. Une période obscure qui déboucherait sur le Moyen Âge. C'est cependant à ce moment que l'on pense que près de Lucus fut construit un lieu encore plein d’inconnues aujourd'hui: Santa Eulalia de Bóveda.
Le vide culturel laissé par la chute de l'Empire romain se reflète parfaitement dans la datation difficile de Santa Eulalia de Bóveda. Dans la municipalité de Santalla de Bóveda de Mera, à environ 14 kilomètres de la capitale Lugo, ses ruines résistent, retenant leurs secrets. En tant que crypte, il faut descendre des marches pour s’y rendre sous l'ensemble de l'église paroissiale actuelle. Une galerie, avec diverses gravures précède une porte. Au dedans, un espace des plus curieux surgit.
Au centre, vous pouvez voir une piscine, plus petite que l’originale comme l'a démontré l'étude des lieux. La salle est longue et rectangulaire, avec une voûte dont subsistent les segments latéraux. Du canon, il reste un peu plus d'un mètre depuis le sol. Son revêtement en stuc offre un ensemble mural extraordinaire. Une abside voûtée et plusieurs colonnes de la période wisigothique complètent l'ensemble.
Une série de caractéristiques a mené aux théories les plus diverses sur son origine. Celles-ci conduisent à une Santa Eulalia de Bóveda du IVe au Xe siècle, aux origines romaines, wisigothiques ou même asturiennes. Tout un conflit technique qui a également fait considérablement varier les fonctions assignées au site. À cet égard, les recherches de 2009 sur les matériaux, auxquelles la CSIC et l'Université de La Corogne, entre autres, ont participé et considèrent comme le fait le plus probable une phase intermédiaire, en trois points.
La première étape correspondrait à l'édifice romain, la seconde à la réforme de ce type de crypte à l'époque des Wisigoths. Quant à la troisième elle correspondrait à l'élévation d'une église préromane dont il ne reste qu'un mur. Ainsi nous ne tiendrons absolument pas compte des bâtiments modernes car ceux-ci ne font pas partie du complexe gothique-romain.
La structure générale de cet endroit enterré est très probablement due à des mains romaines. Le portique d'accès connu comme nartex mesure environ six mètres et demi de long sur un peu moins d'un mètre et demi de large. Deux colonnes se dressaient à l'extérieur. Elles sont situées entre deux grands piliers desquels partent les murs extérieurs. Il est donc très probable qu'il y ait eu un bâtiment au-dessus, car leurs fonctions structurelles ne correspondent pas à l'étage inférieur où elles se trouvent.
Des bas-reliefs de différents thèmes sont exposés dans cette galerie. Les plus remarquables sont ceux reconnus par les études comme des " figures dansantes ", un homme et une femme. Il y en a quatre au total, deux de chaque côté, ils ont une relation avec le reste de l'ensemble et sont bien marqués. Les autres bas-reliefs ont une présentation plus chaotique : trois animaux et un anthropomorphe, pour lesquels on n'a pas été trouvé de raison d’être. Leur datation, non plus, n'a pu être confirmée.
La porte est une baie qui au début fut considérée comme similaire aux deux fenêtres qui la flanquent, rectangulaire et avec un linteau. Au-dessus de ces ouvertures latérales, il y a des ouvertures triangulaires séparées qui déchargent le poids et donnent un peu plus de lumière. En entrant dans la salle, l'élément romain le plus remarquable est la voûte dont seuls les côtés survivent. On pense que sa partie supérieure en brique s'est effondrée lors de la construction de l'église moderne. Les peintures qui la recouvrent ont suscité un grand débat, bien que leur adaptation aux colonnes médiévales suggère qu'elles furent réalisées à cette époque et non à l'époque romaine.
Quant à la piscine, elle semble bien être du IIIe au IVe siècle. Murée par les Wisigoths, l'étude de la disposition des pierres du sol donne à croire qu’elle aurait été rapetissée. Elle occuperait ainsi presque toute la largeur et profiterait d'un système de canalisation qui l’aurait alimentée. Cette salle carrée s’achevait par une abside voûtée en brique. Pour soutenir la terre, un deuxième groupe de murs extérieurs supplémentaires fut utilisé. Entre ceux-ci et les intérieurs, il y a un passage. Une disposition unique dans tout l'empire, qui rejoint des éléments exclusifs d'Hispanie tels que la ville abandonnée de Cáparra ou la mosaïque de Noheda.
Son but est un mystère total. On l’a proposée comme temple de divers dieux : Mitra ou Cybèle. De cette façon, elle aurait eu un étage supérieur et la piscine aurait servi aux baptêmes rituels dans du sang de taureau. De même, certain considèrent les peintures murales romaines, associant les oiseaux à la déesse de la célèbre place de Madrid ou à Bacchus, dieu du vin et du théâtre. Une autre possibilité serait qu'elle ait fonctionné comme un sanctuaire ou une église depuis sa construction. Pour le moment, la question reste en l’air
Il semble certain que les Wisigoths ont intervenu dans la modification de la construction romaine. L'étude du CSIC et de l'Université de La Corogne établit deux étapes claires quant aux matériaux. La crypte fut certainement modifiée. Tout d'abord, elle fut réduite et la piscine fut même comblée. D’une nef on en fit deux avec des portiques comme divisions. Quatre colonnes, deux par côté, supportaient des arcs en plein cintre dont plusieurs départs sont encore visibles. Actuellement, trois des piliers sont conservés, y compris les chapiteaux décorés.
De plus, des niches furent ouvertes sur les latéraux. Recouverte par plusieurs couches de stuc, la voûte est toujours richement décorée. Des oiseaux, des fleurs et des vases s’étalent à côté d'éléments géométriques censés imiter un plafond à caissons. Les éléments qui ont survécu à Santa Eulalia de Bóveda et ceux conservés dans les musées suggèrent que les fresques ont suivi la forme et la déformation des arcs. C’est pourquoi l’on en a déduit qu'ils doivent leur être postérieurs et donc Wisigoths. Avec des variations, les Ve et VIIIe siècles semblent les plus plausibles pour cette réforme.
La peinture conservée ne représente qu'une partie de son ancienne splendeur, la partie des fresques. À l'époque, d'autres éléments en sec devaient avoir été appliqués, ce qui aurait augmenté considérablement la luminosité et la sensation de profondeur. La technique utilisée pour appliquer le stuc et le ciment est romaine. Cela s'explique par la conservation du mode de construction romain des siècles durant. Par conséquent, il est possible que, bien que l'empire soit tombé depuis trois siècles, on continuait à construire et à décorer selon les façons ancestrales.
De même, la porte d'entrée est considérée comme l'un des premiers exemples d'arc en fer à cheval dans le pays. Cela dépend encore, bien sûr, du moment jusqu’auquel on peut en remonter la datation. Quoi qu'il en soit, la forme est clairement visible. Il a fallu adapter et agrandir la baie pour la placer en l’exécutant avec des briques.
Au-dessus du rez-de-chaussée il y avait une petite église qui par l'étude des matériaux semble clairement postérieure aux réformes de la crypte. Un seul mur survivant contient le début d'une voûte qui, comme au-dessous, marquerait la structure de l'espace.
Santa Eulalia de Mérida, dont la version correspondante surgit à Barcelone, était une jeune romaine née entre le IIIe et le IVe siècle. Avec un peu plus de dix ans, elle fut martyrisée au cours des persécutions de Dioclétien pour avoir défié le gouverneur d'Augusta Emerita. La tradition, par exemple à travers le poète Prudencio (Calahorra ou Saragosse), raconte qu'elle fut fouettée, battue et sa chair déchirée avec des crochets. Enfin, on mit le feu à ses cheveux, brûlant sa tête en vie. L’histoire des saints raconte qu'une colombe blanche surgit, s’envola et que la neige l'a recouvrit. Un récit sanglant qui correspond en partie aux oiseaux de son temple de Lugo.
Négligée pendant des siècles, sa voûte réussit à se conserver jusqu'au XVIIIe. On considère que c'est au cours des travaux paroissiaux, que sa partie supérieure s’est écroulée. Une grande perte qui serait augmentée par des erreurs de conservation ultérieures. Redécouverte en 1917, il faudra attendre 1931 pour obtenir la protection de l'État. Les premières fouilles y furent alors effectuées.
Pendant des années, des travaux ont été menés pour préserver les peintures qui, bien souvent, les ont endommagées, comme le souligne J. Ramón Soraluce dans son écrit "Arquitectura Restaurada de Galicia Orígenes". Par exemple, dans les années 50, la voûte fut reconstruite. Le but était de coller les enduits peints sur la nouvelle structure. Malheureusement, dans le processus, les morceaux originaux de la voûte furent détruits car le but était de préserver l'œuvre picturale seule. Finalement, la chute des éléments collés fit qu’ils furent ramenés dans les salles du musée de Lugo.
Pire encore, les travaux dirigés par l'architecte González Trigo à la fin des années 70. Il s’agissait d’assécher l'espace pour empêcher la piscine de se remplir. De plus on construisit un bâtiment supérieur jugé incompatible par tous à l'exception de ceux qui l’ordonnèrent, la Direction générale du patrimoine artistique et culturel.
L'historicisme revint avec la fin du XXe siècle et il se dressa en BIC. Les peintures, les murs et la piscine furent consolidés. De même, le célèbre architecte César Portela, auteur du phare de Punta Nariga sur la Costa da Morte ou du beau et controversé cimetière du Finisterre, avec d'autres collègues et chercheurs, firent table rase, éliminant les raccommodages dissonants décrits. De cette façon, l'espace continue à être le résultat d'études solides bien qu'avec les problèmes d'humidité habituels qu'implique sa propre nature. Un espace mystérieux, un recoin avec des secrets historiques qui vaut la peine d'être connu.