Lorsqu'on se promène dans des pays d'Amérique latine comme Cuba, il est facile de trouver des ancêtres provenant des Asturies, des îles Canaries, de Catalogne, de Galice... Les dates, normalement, coïncident avec l'âge d'or des indianos. Ces émigrants étaient des colons espagnols qui partaient vers l'Amérique espagnole et en revenaient riches. Ceux qui s'en sortaient le mieux finissaient avec des empires commerciaux et des titres de noblesse. En tout cas, leurs histoires sont celles d'une époque.
Dans les régions les plus avancées du pays, l'analphabétisme touchait près de deux tiers de la population au XIXe siècle. De plus, les aléas de l'Ancien Régime empêchent encore les libertés individuelles. Outre-mer, la situation était bien pire, avec un esclavage toujours actif. Pour éviter le dépeuplement des régions les plus rurales d'Espagne, l'émigration vers l'Amérique était interdite. Toutefois, cette interdiction a été levée en 1859. C'est à ce moment-là que les indianos ont commencé à voyager à grande échelle.
Les indianos étaient de jeunes gens du Nord, sachant lire, qui avaient des relations amicales avec des personnes de pouvoir. Et bien que de nombreux pays étaient déjà devenus indépendants, être européen était considéré comme une bonne chose par les classes dirigeantes de ces nouveaux pays.
Toutefois, la situation n'était pas la même pour tous. Les Galiciens et les Canariens étaient en situation de désavantage contrairement aux Asturiens. Ils étaient traités par les dirigeants plus comme des ouvriers que comme des entrepreneurs. Malgré ça, les lois et la simple géographie ont conduit des familles des îles Canaries à s'installer dans des endroits tels que Cuba et le Venezuela depuis le début de la colonisation. Il y avait aussi le facteur commercial, car les îles étaient des ports décisifs dans le commerce transatlantique.
Dans les premières décennies, jusqu'à la fin du XIXe siècle, on estime que près d'un demi-million d'Espagnols du continent et des îles Canaries ont émigré vers l’Amérique. Ils y ont découvert un environnement en mutation, où la servilité et la dynamique du pouvoir étaient différentes de celles de l'Europe. Des pays comme la Colombie et le Venezuela tentaient de se consolider en tant qu'États. Il en a été de même pour le Mexique, l'Argentine et le Chili. Porto Rico et Cuba, toujours des colonies, maintiennent des positions tendues avec Madrid. Il s'agit d'une lutte d'intérêts tripartite à laquelle s'ajoute l'interventionnisme étranger, comme celui des États-Unis.
C'est là que les Indianos se sont retrouvés immergés. Beaucoup d'entre eux sont venus pour remplacer les Africains dans les plantations et les emplois les plus durs. D'autres ont profité des failles de l'esclavage pour prospérer en tant qu'intermédiaires, comme le marquis de Comillas. Quoi qu'il en soit, l'esclavage et son abolition ont été déterminants dans le phénomène à la fin du XIXe siècle.
Cependant, les Espagnols qui sont arrivés en Amérique ont eu tendance à prendre des emplois commerciaux. Des barmans, comme Íñigo Noriega, des commerçants comme López y López, des comptables, des contremaîtres... Ceux qui avaient plus de vision n'ont pas hésité à utiliser les contacts qu'ils avaient ou qu'ils avaient établis, reliant ainsi les deux côtés de l'Atlantique.
La pression industrielle sud-nord en Espagne a fait que les Indianos ont continué à voyager jusqu'aux premières décennies du XXe siècle. La main-d'œuvre du Sud est venue s'installer dans la mer Cantabrique et les locaux ont traversé l’océan, dans l'espoir d'être le prochain grand indiano. Ces voyageurs ont laissé un grand héritage allant de l'architecture aux traditions. Le lien avec l'Espagne continentale ou insulaire était constant pour ces émigrants.
L'un des cas les plus connus est celui de Comillas, en Cantabrie. Antonio López y López a fait une telle fortune qu'il a transformé sa ville. Ses liens avec Barcelone restent aussi évidents dans le palais et le panthéon de Sobrellano. Gaudí a même participé à ce projet. Il a également érigé une université, qui est devenue une puissante institution éducative. Une grandiloquence obscurcie par ses liens avec les esclaves. Dans la même ville, un autre Indiano lié à la bourgeoisie catalane a construit le charmant Capricho.
Pendant ce temps, dans les Asturies, les exemples sont presque infinis. La Quinta de Guadalupe, à Colombres, a été construite sur l'ordre d'Íñigo Noriega, le plus grand Indiano du Mexique, ami du président Porfirio Díaz. Dans sa ville natale, il a construit une splendide villa, qui abrite aujourd’hui les Archives des Indianos, une base parfaite pour apprendre à connaître le phénomène. Son style, avec des influences coloniales est un exemple idéal de l'éclectisme de l'architecture des Indianos.
Ribadesella, Ribadeo, Llanes, Santoña... Le nombre de villes, surtout côtières, de Galice, des Asturies, de Cantabrie, de Biscaye et de Guipúzcoa qui ont des traces de ce phénomène est énorme. Aux îles Canaries, cette influence est aussi palpable de nos jours. À La Palma, on célèbre le fête des Indianos pendant le carnaval. C'est une façon de commémorer le retour des émigrants sur leur île natale, notamment de Cuba.
Pendant ce temps, en Amérique, les Indianos ont également laissé leur empreinte. Par exemple, à La Havane, le palais asturien, une énorme structure construite par des émigrants des Asturies, subsiste encore. Dans différentes capitales, de Ville de Mexico à Buenos Aires, subsistent les bâtiments des casinos espagnols, des centres culturels du XIXe siècle qui étaient essentiels pour le commerce.